Enfin il partait, cela faisait trop longtemps qu’il en parlait, s’en était presque devenu un sujet de raillerie pour ces amis "T’es encore là ?, Mais t’attends quoi au juste ? Mais bouges ! Tu ne devais pas partir toi ?". Lui ne répondait rien, il savait très bien se qu’il attendait, il savait très bien se qu’il faisait, comme toujours. Il avait choisi son jour, son heure, un matin automnal comme un autre. Il avait choisi un train de jour, la dernière fois le train de nuit avait été une mauvaise idée, trop froid, trop bruyant, trop exigu, il n’avait pas réussi à s’endormir avant la frontière, avant le jour. Il savait très bien que cette fois ci tout serait différent, il avait changé, là-bas aussi serait différent. Il savait très bien que tout change que rien ne nous attends que les choses suivent leur cours sans se soucier du nôtre, les gens ne nous attendent pas. Il savait tout ça mais il était confiant. Dans le hall de la gare il regardait les voyageurs même eux étaient différents, il était le seul avec un gros sac, les autres n’étaient que des pendulaires ou des étudiants venant suivre un cours ou rentrant chez papa maman. Lui, il les quittait sans peine. Il avait bien vu les yeux brillant de sa mère au petit déjeuner, il avait tenté de la rassurer, de dédramatiser. Il lui rappela qu’il ne partait que pour deux mois, que cela passerait vite, qu’il appellerait souvent, qu’il le promettait. Son père l’avait conduit à la gare, puis accompagné dans le hall histoire de porter son sac. Il lui a serré la main rapidement, "à bientôt bon voyage". Il essaya de se rappeler une marque d’affection, une accolade Son père n’a jamais été très démonstratif, ils se ressemblent pour ça. Pour les voyages aussi, il aimait à rappeler que sa mère était portugaise, lui pensait que la sienne serait espagnole, italienne ou brésilienne... De n’importe quelle nationalité en fait sauf française ou anglaise, les premières à cause de leur manque d’exotisme, les seconde à cause de leur vulgarité. Il avait dit à tout le monde qu’il partait pour deux mois mais il savait très bien au fond de lui qu’il partait pour toujours, cette excuse, ce mensonge lui avait évité des adieux déchirants & interminables, des effluves de sentimentalisme et de promesses bref toutes ces choses qu’il supportait mal. Il composta son billet, pris le passage souterrain, il faisait froid sur le quai, il rajusta son blouson, là où il allait il n’en aurait plus besoin. La voix des haut-parleurs lui indiqua que son train arrivait, cette voix de femme imaginaire & impersonnelle, commune à toutes les gares de France, il l’entendait pour la dernière fois. Le train arriva, lorsqu’il monta dedans il ne se retourna pas, il savait que personne ne le regardait que personne n’agitait de mouchoir blanc. Il s’installa contre la fenêtre, là où il avait réservé. Ça y est, il partait, enfin. Lorsque le train démarra, il se surpris à ressentir un pincement au coeur, un frisson. Il regarda une dernière fois la ville qui l’avait vu naître & grandir. Elle défilait de plus en plus vite. Bientôt se ne serait plus qu’un souvenir, quelques images, quelques visage puis petit à petit viendrait l’oublie, il oubliera tout comme il sera oublier, Il regardait une ville dont bientôt il n’aurait plus de souvenir. Voilà ce qu’il pensait, il ferma les yeux et s’endormi aussitôt. Enfin il partait, il ne fuyait rien, non, il partait tout simplement.