Mes Décisions

"LA MEILLEURE SOLUTION POUR AVANCER CEST LA FUITE"

Ce jour là, j’avais décidé de prendre dans la journée les décisions qui s’imposaient. J’avais décidé de répondre aux questions essentielles que je me posais sur des sujets divers, mais comme je ne m’étais pas donné d’heure précise pour le faire, je reculais d’heure en heure le moment du rendez-vous avec moi-même. C’est au milieu de l’après-midi, en promenant les pieds nus sur la terrasse et en regardant les gens passés que la solution m’apparut, elle était si simple que je n’y avais même pas pensé… En faite si, j’y avais déjà pensée mais je ne sais pas pourquoi je ne l’avais pas retenue, je crois qu’elle ne me paraissait pas assez sérieuse, ne pas convenir pour ce rendez-vous très important. Puisque je n’arrivais pas à me consacrer même cinq minutes & puisque de toute évidence je ne pouvais pas me joindre au téléphone, je décidais de m’écrire une lettre en expliquant mon cas & en me sommant de me répondre pour régler une bonne fois pour toute ce petit différent avec moi-même.

Je pris le chemin de mon bureau, en passant par la cuisine je me fis chauffer de l’eau pour me préparer un thé & pris un paquet de gâteau ouvert depuis deux trois jours qui traînait là, à côté de la bouilloire. Une fois dans mon bureau, en fait c’est ma chambre mais j’aime bien dire mon bureau, je trouve que cela donne plus d’importance à la pièce, bref une fois dans mon bureau je pris mon plus beau crayon, le noir, piochât une feuille dans le tas & commençât à écrire : « Très cher moi-même » non c’était trop pompeux je me connais bien tout de même, je suis quand même relativement proche de moi. Je chiffonnais la feuille et la lança vers la poubelle, bien sure je la rata. Je repris une feuille : « Mon petit moi » ça non plus ça ne va pas, certes je suis proche de moi, j’aime bien l’onanisme, mais il y a des limites tout de même, je compte pas me passer la bague au doigt & finir ma vie avec moi. Bis répétitas : chiffonner, lancer, rater. Je re-repris une feuille, je réfléchis un peu plus avant d’écrire quoi se soit parce que je n’avais presque plus de papier, ne pas pouvoir m’écrire pour une simple question matérielle aurait été dommage, d’autant plus que j’avais retrouvé la veille au soir des timbres dans la masse de choses inutiles du premier tiroir de mon bureau. Alors que mon stylo fonçait tête baissée vers la feuille blanche, j’entendis le sifflement de la bouilloire, je me levais & alla préparer mon thé en grignotant un gâteau, je me rendis compte qu’ils étaient secs.

Je reviens à mon bureau avec la théière. Je me servis un thé, repris mon stylo noir & pour m’éviter toute prise de tête inutile je notais sobrement : « Moi » puis j’écrivis d’une seule traite :

« Il serait peut-être temps de penser un peu à moi ! On ne se voit pratiquement plus, je ne m’occupe plus de moi, alors c’est pour ça que je me permets de m’écrire, car je dois prendre d’importantes décisions décisives pour ma vie future, j’aimerais avoir mon avis & quelques conseils, si c’est possible. Pourrais-je donc répondre aux quelques questions que je me pose : Qu’ai ce que je fous là ? J’en suis où ? Où suis-je ? Pourrais-je avoir un plan ? Ai-je une carrière destinée ? Quel est mon destin ? Que dois-je faire avec elle ? Que veut-elle ? Qu’est ce que je veux ? Dois-je continuer à me mentir ou me faire croire que je ne me mens pas mais que c’est la bien réalité ? Mais c’est quoi la réalité au juste ? Pourquoi suis-je parfois trop lucide mais que souvent je ne vois pas net ? Dois-je changer mes lunettes ? Que faire de cette vie qu’on m’a donnée et dont je ne sais pas trop quoi faire ? Merci de me répondre le plus rapidement possible, la situation est grave. D’avance merci :  Signé : Moi.»

Une fois la lettre terminée, je cherchais une enveloppe dans le second tiroir du bureau, autant le premier tiroir est bordélique autant le second est ordonné & propre, c’est d’ailleurs pour cela que je n’ai pas eu de mal pour trouver l’enveloppe. J’inscrivais mon adresse, glissais la lettre dans l’enveloppe, humectais le rabat, le collais & enfin apposais le timbre fraîchement retrouvé. C’était une bonne chose de faite, je bu mon thé, il était froid, mais qu’importe avec les gâteaux secs cela faisait l’affaire.

Ce n’est que plus tard dans l’après-midi, en début de soirée exactement, que je sortis pour mettre l’enveloppe, la lettre & le timbre réunis, dans une de ses boîtes jaunes mises à disposition par la Poste & que l’on trouve partout de nos jours. Je profitais d’être dehors pour aller boire un verre dans un bar pour y fêter la fin prochaine de tous mes soucis & le retour d’une vie paisible débarrassée de toutes mes inquiétudes & interrogations. Je me disais : « Vivement que je me réponde pour qu’enfin je sente bien & qu’enfin je puisse penser à autre chose » Je me permettais de dire ça car je sais qu’en général j’ai toujours la solution à n’importe quel problème, avec le temps j’ai fini par me connaître. En sortant du bar je croisais un type que je connaissais de je ne sais plus où & d’où j’avais complètement oublier le nom, nous échangeâmes quelques propos triviaux, puis je rentrai chez moi. Après une tranche de jambon pour tout repas du soir, je me refis un thé, pris un bouquin et m’endormais dans le grand fauteuil du salon.

Trois jours plus tard j’ai reçu par retour de courrier ma lettre avec un tampon qui disait : « N’habite plus à l’adresse indiquée ». Quel con ! Je me l’étais envoyé à mon ancienne adresse, je n’étais pas prêt de les prendre ces décisions, je n’étais pas prêt d’aller mieux…

Sylvain Barraux