J’ai bientôt quarante ans, je suis indépendant financièrement, j’ai un appartement, un travail, un ordinateur, un smartphone, les Internets, des amis, je vis à Paris. Donc dans l’ensemble je n’ai pas vraiment de raison de me plaindre, ça pourrait être pire, ça pourrait être mieux. Surtout en ce qui concerne mon orthographe, ma conjugaison, mes amours et une toute une liste non exhaustive mais en fait ça va.
Et pourtant, par la magie du téléphone, alors que j’appelais simplement pour demander justement ‘Ça va ?’, et dire ‘Ici… Ça va, rien de nouveau, donc ça va’, je me suis fait disputer fort, même très très fort par une petite voix, à trois cent soixante-cinq kilomètres de moi, parce que je tousse et que je ne vais pas voir le docteur et que ce n’est pas bien, en plus ce n’est pas une question d’argent parce que d’une part j’en ai et que d’autre part il y a la sécu donc ça ne coûte rien et donc quoi qu’il en soit ce ne sont pas des excuses, il n’y a pas d’excuses, et le manque de temps à bon dos, à d’autres, pas à moi. Alors non ça ne va pas, alors ce n’est pas bien, alors tu m’écoutes, alors ce n’est pas raisonnable.
« Tu n’es pas raisonnable »
Et soudain j’ai quinze ans, pas d’argent, demain à huit heure j’ai maths, les téléphones sans fil sont de la science-fiction, je veux retourner dans ma chambre en caressant le chien, claquer la porte puis écouter de la musique fort au casque, penser à la fille à qui je n’ose pas parler, aux copains avec qui on va faire des conneries, heu pardon des bêtises, mais rien de grave promis…
J’ai bientôt quarante ans et heureusement j’ai encore une Maman.
J’ai une Maman et heureusement j’aurai toujours quinze ans.
PS : J’ai bien pensé lui dire que je voyais non pas un, mais le Docteur, le vingt-trois novembre — #savetheday — mais j’étais tellement morveux que je n’ai pas osé.