Plus j’ai du temps moins j’ai le temps, je me souviens d’une période où j’écrivais ici tous les jours, puis toutes les semaines, désormais c’est de temps en temps, voir même moins que ça encore. Plus le temps passe plus le chemin entre la tête et les mains est long et laborieux, comme si le futile devait disparaitre, comme s’il ne fallait plus qu’être efficace, faires des choses qui servent, faire ‘ce que l’on doit faire’ tout le reste peut attendre. Alors je fais des listes de choses que j’ai à faire qu’elles soient futiles ou utiles, je range ces listes dans une pochette où il est inscrit sur la couverture verte ‘En Cours/A Faire’, cette pochette est dans un carton à coté de mon bureau, sur le carton il est noté ‘Stuff & fourbi plus ou moins importants’. Ce carton est dans mon appartement, à côté du bureau, je suis très souvent dans mon appartement, assis à mon bureau. En procrastinant devant l’ordinateur, je me rapproche donc de mes objectifs.
Parfois je tire sur une cigarette à mon bureau, parfois en regardant l’immuable pont depuis la fenêtre, tiens deux soixante qui se suivent, ne pensant à rien de particulier juste distrait par le bruit des travaux à côté. Ils construisent un immeuble, souvent je passe devant le grand panneau qui annonce ‘bientôt ici, des appartements du studio au cinq pièces’ avec un dessin assez laid d’un immeuble qui s’annonce donc assez laid, c’est à ce prix qu’on réhabilite des quartiers qui n’en demandaient pas tant.
Parfois je me dis que je fume trop, alors je me ressers un verre de vin pour chasser cette idée.
Je ne me suis jamais autant balader dans Paris, j’arpente les rues, le métro, optimisant mes parcours, guettant le nom des rues pour avoir une idée d’où je suis, découvrant des lignes hors heures de pointe, tout est si calme si diffèrent, comme une autre vie. Ce ne sont pas vraiment des promenades, j’honore des rendez-vous dans des immeubles haussmanniens, ou, souvent au-delà du périphérique, dans des immeubles modernes pourtant sans doute pas HQE. Dans des salles de réunions, dans des bureaux, je parle de moi, encore de moi, toujours de moi et visiblement ce sujet intéresse mes interlocuteurs ils me relancent, me posent des questions, je me dis que je devrais leur dire que je ne rêve que d’amour d’argent et de vent en souhaitant qu’on me rende la lumière et la beauté. Mais je crains qu’ils ne comprennent pas, alors je me contente d’être plus terre à terre, d’être dans le concret, alors je me contente de parler virtualisation.
*Comme à peu près une fois par an, je relis La Vie Sur Terre, Réflexions sur le peu d’avenir que contient le temps où nous sommes de Baudouin de Bodinat aux ‘Editions de l’encyclopédie des Nuisances’, ouvrage qu’évidemment je vous recommande.