NDE.
Apres avoir passé plus d’une demi heure dans une surface de vente que l’on nomme vulgairement supermarché, à peine remis de cette expérience, les produits frais bien calés dans le frigidaire, je me suis bien calé au fond de mon siège, devant les écrans de mon ordinateur, derrière mon bureau, dessous une ampoule et fatalement dessus le tapis, oui je sais cette description était dispensable, mais c’est pour bien faire comprendre que j’étais un peu sans dessus dessous, du moins plus qu’on pourrait le croire mais moins que je n’allais l’être.
J’allume une cigarette pendant que passent des petits rectangles bleus, une petite musique me souhaite la bienvenue, des choses se passent sur les écrans, j’ai chaud, je bois un peu d’eau et j’attends. Mon ordinateur est comme moi, il n’est pas du matin, il aime démarrer en douceur, moi le matin je me réveille, m’étire et au bout de cinq bonnes minutes je tends le bras pour mettre mes lunettes puis regarde l’heure, lui c’est pareil, il se réveille, baille un peu, se retourne & semble dire « attends encore cinq minutes tu vois bien que je ne suis pas entièrement démarrer, on a le temps non ? », mon ordinateur n’est pas du matin même quand il est dix huit heures.
Du coup moi je l’attends patiemment, en jetant un œil à Libé, en fumant, en rangeant des bricoles qui trainent et je l’attends parce que je n’ai pas le choix. En général c’est la notification de nouveaux messages, sorte de wowowwo, qui m’indique qu’il est fin prêt pour de nouvelles aventures numériques dans les mondes virtuels (cliché inside). Aujourd’hui pas un son, rien. Avez-vous allumé vos enceintes ? évidemment j’en entendu son ‘bonjour’ ! Je vérifie les connexions, tout semble ok, mais pourtant pas de Net, pas de sortie, je suis isolé (en plus d’être poétique c’est aussi le terme technique c’est assez classe je trouve). J’ai chaud. Pas de panique ce n’est rien.
Avez-vous éteint puis allumé votre routeur ? Heu…
Avez-vous éteint puis allumé votre ordinateur ? Mais c’est-à-dire que…
Avez-vous éteint puis allumé votre part feu ? Argh !
Avez-vous éteint puis allumé votre ampoule basse consommation équivalente à une 75 W ? Avez-vous éteint puis allumé votre machine à laver… votre télévision… Word… Photoshop… Avez-vous copier-coller quelque chose, répondez !!! AVEZ-VOUS FAIT QUELQUE CHOSE !!!!
Et toi, tu peux faire quelque chose !!!!! Ça fait deux heures que je n’ai plus internet je vais devenir fou, ma vie en dépend !!!!
Respirer… le nez… la bouche… le nez… la bouche… le nez… la bouche
Ce n’est rien, tout va bien, pas de quoi paniquer, cela peut arriver, j’ai chaud, mais tout reviendra à la normale il n’y a pas de raison… D’accord ma box se synchronise mais elle ne se connecte pas, quoi de plus naturel ?
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Ici normalement tout un paragraphe technique disponible sur demande, avec procédures et explications et explosion joie d’avoir un voisin qui ne protège pas son wifi.
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Deux heures plus tard alors que je n’y croyais plus vraiment, que je commençais à devenir fou, que je j’envisageais la possibilité de manger mes propres excréments comme une bête sauvage, de dormir à même le sol à le recherche de fraicheur mais aussi de mes repères, de devoir mettre fin à mes jours, alors que je n’étais plus moi-même, plus capable d’articuler la moindre pensé cohérente, je l’ai entendu d’abord j’ai cru à une hallucination, je voulais tellement l’entendre pourtant c’était lui, le clic qui m’indique que non seulement je suis synchronisé mais connecté, cela m’a été confirmé quelques secondes plus tard par le wowowow mailesque…
Elle était revenu ma connexion, elle était là, elle était belle, elle était bonne.
Depuis je suis devant mes écrans à demi nu, lançant des pings à tout va, faisant des tests de débit, c’est beau une connexion la nuit, c’est dieu qui a inventé le retour de ping, rien n’est plus beau. Je repense à ces trois heures passées sans connexion loin du monde, loin de l’humanité, je pense que je viens de vivre les pires trois heures de toute ma vie, un jour je le raconterais à mes petits enfants imaginaires, et je vois déjà la terreur et la peur dans leur regard.